Colloque Santé et Sécurité au travail à l’Assemblée Nationale le 5 avril 2023

Organisé par le Député Aurélien Saintoul, à l’Assemblée Nationale, le 5 avril 2023.

PROGRAMME :

  • Propos introductifs : Aurélien Saintoul, puis Matthieu Lépine
  • Table ronde N°1 : témoignages avec le Collectif Familles : Stop à la mort au travail et la FNATH
  • Table ronde N°2 : recherche et institutionnel, avec Damien Babet, Véronique Daubas Letourneux, Anthony Smith, Juliette Pappo.

Propos Introductifs

Matthieu Lépine

Après la présentation générale par Aurélien Saintoul, des participants et du déroulé du colloque, Matthieu Lépine prend la parole.
Il explique sa démarche de recensement des accidents du travail de façon quotidienne, à travers la presse régionale depuis 2019, les portraits qu’il a réalisés et la mise en contact des familles qui en a résulté.
Il explique ensuite qu’il a repris tout ça dans son livre, « l’Hécatombe Invisible »* qu’il vient de publier.
Il rappelle la difficulté d’obtenir des chiffres qui recensent exactement tous les AT mortels (recensement CPAM, MSA, non prise en compte des indépendants, des fonctionnaires, des travailleurs étrangers, sans papiers, détachés etc).

Il indique toutefois que la France se situe dans le haut du classement européen des morts au travail et ce, malgré une tentative de minimisation par beaucoup de monde, sous prétexte que la France comptabilise les malaises dans les ATM.
Il dénonce également une banalisation des pouvoirs publics des ATM et une fatalité (prétexte que le risque zéro n’existe pas donc « bon oui les ATM ça arrive »). Il note que contrairement à ce que disent les gouvernements successifs, le chiffre des ATM n’est pas stable, mais en réelle augmentation. Cette invisibilisation des victimes est pour lui en partie due à la rentabilité et aux profits des entreprises qui notent à chaque fois que les ATM sont dus à des erreurs humaines, moyen commode de rejeter la faute sur les victimes elles même.

Dans les morts au travail il note une surreprésentation des jeunes (stagiaires, apprentis, manque d’expérience), des séniors (obligés de prendre un job pour compléter leur retraite très basse), des intérimaires (polyvalences, obligés d’être opérationnels tout de suite, sous-traitance parfois en cascade), des autoentrepreneurs (faux statut d’indépendants, sont parfois pieds et poings liés avec un gros entrepreneur qui leur permet de faire le plus gros de leur chiffre d’affaire, sous-traitance), du système Uber.

Enfin il propose des pistes pour améliorer la situation et diminuer le nombre d’ATM :

  • Augmenter les moyens de l’inspection du travail
  • Arrêter de casser la médecine du travail
  • Remettre en place les CHSCT
  • Réévaluer l’indemnisation des victimes
  • Lutter contre les lenteurs de la justice

Table Ronde n°1

Prise de parole de Fabienne Bérard : elle explique sa situation personnelle (perte de son fils Flavien, sondeur, qui a reçu une pièce métallique sur la tête en mars 2022).
Raconte la création du Collectif Familles (mise en relation des autres familles par le biais de Matthieu Lépine et rencontre de Caroline) et relate les problèmes communs à chacun des membres, principalement l’isolement et toutes les difficultés à gérer en même temps au moment de l’accident (pompes funèbres, avocats…).
Elle explique que les accidents mortels du travail sont un phénomène d’ampleur, qui n’intéresse personne et exprime un besoin de reconnaissance.
A. Saintoul prend note de toutes les revendications.

Fabienne explique également que la veille elle a été reçue au ministère de la justice, ou elle a été écoutée, mais certainement pas entendue…

Prise de parole de Caroline Dilly : elle explique également sa situation personnelle (perte de son fils Benjamin, couvreur, par chute d’une nacelle en février 2022) et récapitule les différentes doléances que nous avions présentées au ministère du travail. Elle explique notamment que le plan de prévention des accidents du travail du gouvernement est parfait….mais n’est pas appliqué…

Questions diverses et échanges :

A . Saintoul parle du projet de loi sur la santé au travail et indique que ça va peut-être être abandonné s’il y a une réforme des retraites…à suivre de près.

K. Felissi précise : il faut se méfier de la « prévention et la qualité de vie au travail » qui sont là pour faire beau, mais pas vraiment d’actions concrètes.

Essayer de demander une commission d’enquête sur les accidents mortels du travail.

Table ronde n°2 

Prise de parole de Damien Babet : enseignant chercheur, qui a réalisé une étude sur les accidents du travail. Il présente son étude et précise notamment qu’une personne sur 3 en a déjà connu un . Il rappelle que les chiffres sont très importants et sous évalués par le gouvernement.

Prise de parole de Véronique Daubas Letourneux : sociologue qui a réalisé plusieurs enquêtes au long cours sur les effets du travail sur la santé. Elle relate que souvent les entreprises mettent les accidents du travail sur le compte de la fatalité (faute à pas de chance) et voire même prennent un risque assumé. Pour elle, c’est un véritable fait social, le risque est régulier et a un coût social important. Il y a une injonction contradictoire entre les règles de sécurité et les moyens mis en œuvre pour éviter les accidents.

Prise de parole d’Anthony Smith : représentant syndical des inspecteurs du travail, il rappelle que les CHSCT ont été laminés et que le nombre des inspecteurs du travail ne cesse de baisser jusqu’à maintenant (1750 inspecteurs pour 20 millions de salariés ). C’est pour lui une supercherie et 4000 inspecteurs seraient nécessaires selon lui pour pouvoir travailler correctement. Le contexte s’est dégradé fortement. Il revendique qu’il faut que les inspecteurs du travail puissent se rendre sur les lieux immédiatement après un accident mortel.

Il explique qu’au moment de l’accident mortel, tout le monde veut des nouvelles donc tout le monde s’intéresse au travail de l’inspecteur, mais que rapidement après il se retrouve tout seul.

Prise de parole de Juliette Pappo : avocate du barreau de Paris, spécialisée en droit du travail, elle explique que pour les accidents du travail, c’est le parcours du combattant, car ça dépend de 3 codes (code de la sécurité sociale, code pénal et code du travail). Il est primordial pour elle d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ce qui permet d’être indemnisé au pôle social et de faire tout pour que l’audience au pôle social ne soit pas assujettie au résultat du pénal (ça dépend des endroits). Attention aux délais restreints (2 ans après l’AT ou après le procès pénal pour saisir le pôle social). Elle rappelle que dans le système judiciaire français, c’est au salarié (ou ses ayant droits) d’apporter la preuve que son employeur avait conscience du danger et n’a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger. Pour elle, le juge d’instruction n’est pas forcément nécessaire car ça rallonge les délais de procédure. Elle rappelle que ça n’est pas le rôle du conseil des prudhommes de statuer sur les accidents mortels du travail, donc pas d’intérêt d’y engager des procédures.

Questions diverses et échanges.

Question du collectif à A. Saintoul, que propose t’il et à quoi s’engage-t-il ?
Après avoir rappelé qu’il est député de l’opposition, donc que ses moyens d’actions sont limités il nous indique :

  • Si la loi travail en préparation se concrétise, il s’engage à reprendre et porter la liste de nos revendications
  • Il proposera des amendements pour aller dans notre sens
  • Il reste à notre disposition
  • Il va faire remonter les délais de justice excessifs et mettre la pression au ministère.

Fin de la journée

*L’Hécatombe invisible » aux éditions du seuil

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